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Quand les pédagogues cultivent entre eux la complicité

Dans plusieurs écoles du Jura bernois et de Bienne, les directions encouragent la complicité entre enseignantes et enseignants afin d’améliorer l’ambiance de travail et, par ricochet, le bien- être des élèves. À travers des activités conviviales, des réunions collaboratives et des dispositifs de soutien, ces initiatives visent à renforcer la cohésion du corps enseignant et à favoriser une atmosphère scolaire plus harmonieuse.

Comme pour toute fonction éducative, l’enseignement s’inscrit au cœur des relations humaines, là où chaque individu s’exprime selon son propre tempérament, son éducation culturelle et son cursus de vie. Dans une société en pleine évolution, une atmosphère collégiale représente aujourd’hui une précieuse alliée pour tout professionnel soucieux de progression. Dans certains établissements scolaires de Bienne et du Jura bernois, on cherche activement à cultiver la complicité entre collègues, susceptible de se transformer parfois en amitié. Une démarche non négligeable entre adultes et qui, à l’égard des élèves, aura d’une manière ou d’une autre un impact positif. Visiblement dans l’air du temps, de telles volontés ne sauraient être superflues pour les inspectrices et inspecteurs scolaires, qui veillent entre autres au meilleur fonctionnement possible des institutions. Or, en termes de rapports humains, le rôle de ces derniers demeure relativement limité. «Les écoles étant très autonomes, nous n’avons pas toujours la possibilité de comprendre ou de saisir ce qu’il se passe à l’intérieur», reconnaît d’emblée Serge Büttiker, l’un des deux responsables des arrondissements francophones du canton de Berne.

«Certaines directions nous demandent parfois des conseils en cas de problèmes, et c’est par ce biais-là qu’on se rend compte que leurs écoles travaillent à améliorer une ambiance qui pourrait être un peu défaillante, ou dont le corps enseignant se heurte à ce genre de problèmes. On peut aussi se faire une impression au sein de quelques écoles innovantes, où l’on ressent de manière subjective que les choses se passent bien, car il y émane des dynamiques. Elles produisent une forme de rayonnement.»

Entre le rallye à la ferme et la Murder Party

En théorie, une attitude bienveillante n’est pas censée faire l’objet d’une forme implicite d’apprentissage. Même si au cours des formations pédagogiques, cette thématique est aujourd’hui abordée sous l’angle de la collaboration. En pratique, ce sont les réalités du terrain qui donneront par la suite un signal fort.
À l’École secondaire du Bas-Vallon (ESBV), à Corgémont, qui accueille plus de 200 jeunes de Cortébert, Corgémont, Sonceboz- Sombeval et Péry-La Heutte, la direction a établi, l’an passé, un concept de «bien-vivre à l’école» pour ses 31 enseignantes et enseignants. «On entreprend quatre fois par année quelque chose de convivial, que nous avons aussi du plaisir à organiser et qui nous donne l’occasion de passer un bon moment entre collègues en dehors de l’école», indique le directeur Manuel Jacot, attentif à l’environnement de son équipe pédagogique. «En fin d’année scolaire, nous avions souvent constaté que certains collègues semblaient vraiment très fatigués. À titre personnel, je trouvais qu’il y avait pas mal d’absentéisme pour des raisons de maladie. On s’est alors dit qu’il fallait agir en proposant quelque chose d’un peu différent. » Variés et parfois ludiques, les rendez-vous précités vont du repas au restaurant à la soirée à thème, en passant par un rallye à la ferme ou une simple excursion. «Cette année, par exemple, nous sommes allés dans un restaurant qui dispose d’une énorme ludothèque. Ce qui nous a conduits à nous déguiser pour participer à un concept de Murder Party. » Avec en moyenne une vingtaine de participantes et participants, chaque rencontre contribue à instaurer un climat harmonieux au sein de l’établissement. Sans mettre pour autant à l’abri chacune et chacun d’un potentiel désaccord, une telle offre aide à désamorcer plus facilement les éventuels dérapages.

Comme un cahier des charges

Du côté de la Filière bilingue de Bienne, ville par ailleurs multiculturelle, la direction bicéphale a introduit une sorte de cahier des charges de la collaboration, en parallèle sur ses deux sites primaire et secondaire I. Deux entités qui réunissent au total 500 élèves et une soixantaine d’enseignantes et d’enseignants, et où les cours sont donnés à 50% en français et à 50% en allemand. Pour le compte de chaque classe, un tandem d’enseignantes et d’enseignants supervise un fonctionnement global coopératif. «La collaboration est très étroite, car elle s’impose dans notre milieu bilingue», défend le codirecteur Fabien Duquesne. «Du fait que chaque enseignante ou enseignant a sa propre langue maternelle, le gros défi consiste à lever les obstacles liés aussi bien à la langue qu’à la culture d’enseignement. Afin d’analyser un peu tout cela, nous avons fait au début beaucoup de séances et de formations basées sur la collégialité et la collaboration. Il fallait que le climat soit propice à cela, et avant même de commencer à travailler.» À une cadence trimestrielle, chaque enseignante et enseignant est convié à livrer ses impressions, bonnes ou moins bonnes, de sorte à être au besoin écouté, voire épaulé. Comme l’observe Fabien Duquesne, le système fait ses preuves depuis bientôt huit ans pour le degré primaire, et quasiment deux ans au sein du secondaire I.

«Il a vraiment aidé chacune et chacun à se positionner, tout en contribuant à aplanir les différences entre celles et ceux qui surfonctionnaient et celles et ceux qui étaient dans l’attente.» Tous les trois mois également, un convivial «business lunch» complète le programme. «Il permet à celles et ceux qui le souhaitent de se retrouver pour parler tant de travail que d’autres sujets.» À l’occasion de séances plénières, des sorties hors cadre scolaire sont aussi proposées.

Accorder ses violons

Les petits ruisseaux font les grandes rivières, comme dit l’adage, et dans l’exercice de sa mission, la ou le pédagogue acquiert dans ce contexte un support. Soit un outil supplémentaire dans le registre des interactions humaines. «Plus l’équipe pédagogique sera renforcée sur ce thème, et plus les élèves vont en tirer un bénéfice », synthétise Serge Büttiker. Reste qu’entre personnel enseignant, direction et commission scolaire, accorder parfaitement ses violons ne va pas toujours de soi. En cas de situation conflictuelle, différentes entités scolaires peuvent par conséquent être impliquées. «Il arrive que certains malentendus surviennent du fait que les gens ne sont pas au clair avec le rôle qui incombe aux uns et aux autres. Ce qui peut générer du conflit ou de la mésentente», poursuit l’inspecteur. «S’il s’agit d’expliquer ou de redéfinir le cadre légal, nous allons volontiers à la rencontre des écoles concernées pour les conseiller. »
Rappelons qu’au centre ACCES, à Péry, une structure qui plus est cantonale, les professionnelles et professionnels du milieu scolaire peuvent aussi trouver du soutien en cas de rapports tendus ou de litiges avec leurs collègues. L’équipe en place, composée de deux conseillères et un conseiller pédagogiques, dont une thérapeute spécialisée en santé mentale, garantit des prestations confidentielles et gratuites. Sans révéler de chiffres officiels, ces trois intervenants confient être passablement sollicités. Comme ses collègues, Santina Jeronimo reçoit des jeunes pédagogues en manque de repères. «Certains viennent régulièrement, carrément une fois par semaine, et d’autres de manière plus espacée», témoigne la consultante, qui observe par ailleurs une tendance depuis environ un an.

À la demande de groupes d’enseignantes et d’enseignants, les conseillères et le conseiller d’ACCES se déplacent désormais de plus en plus dans les écoles. «Ils souhaitent soit un travail de coaching, soit de la supervision, afin de continuer à collaborer et bien travailler ensemble. Ce dont nous sommes très contents! Car se retrouver de cette façon pour travailler en équipe, c’est vraiment, selon nous, la clé pour évoluer dans un milieu comme le nôtre le plus sereinement possible.»

Zusammenfassung: Wenn Lehrpersonen Verbundenheit pflegen

In verschiedenen Schulen des Berner Juras und von Biel wird aktiv daran gearbeitet, die Zusammenarbeit unter Lehrpersonen zu stärken. Dies geschieht durch regelmässige gemeinschaftliche Aktivitäten, die den Teamgeist fördern und die Arbeitsatmosphäre verbessern. An der École secondaire du Bas-Vallon etwa organisiert die Schulleitung viermal jährlich gesellige Anlässe, um das Wohlbefinden des Kollegiums zu steigern und krankheitsbedingtem Ausfall entgegenzuwirken. Die Filière bilingue in Biel setzt wiederum auf strukturierte Kooperation mit einem klar definierten Konzept zur Zusammenarbeit, das regelmässige Reflexionsrunden und informelle Treffen umfasst. Trotz dieser Initiativen bleiben zwischenmenschliche Konflikte nicht aus, weshalb Beratungsstellen wie das ACCES-Zentrum in Péry Unterstützung bieten. Dort erhalten Lehrkräfte Coaching und Supervision, um eine nachhaltige und konstruktive Zusammenarbeit zu gewährleisten. Diese Massnahmen sollen am Ende den Schülern zugutekommen, indem sie ein stabiles schulisches Umfeld fördern.

Salomé Di Nuccio

 

EDUCATION 1.25

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