Il est toujours plus difficile de trouver des patrouilleuses et patrouilleurs qui aident les enfants à traverser la route sur le chemin de l’école. Le trafic augmente, les exigences se durcissent, mais des alternatives voient le jour.

La sécurité des élèves est une priorité indiscutable. Dans une région périphérique comme le Jura bernois, les trajets scolaires pédestres ne sont pas forcément plus sûrs que les chemins empruntés en ville. Suivant la configuration de certains villages, les zones au trafic toujours plus dense gagnent à être surveillées. Pour la traversée de la chaussée des élèves de 4 à 8 ans, notamment, les patrouilleuses et les patrouilleurs scolaires sont des chaperons très appréciés dans l’espace public, mais se font de plus en plus rares. Au point que plusieurs communes en sont désormais dépourvues. Celle de Sonvilier se prive de ce service pour la 2e année consécutive. « Comme nous n’avions plus suffisamment de parents ou d’autres personnes intéressées, nous avons dû nous résoudre à supprimer la patrouille », regrette la maire Rosemarie Jeanneret, qui espérait au fil des mois une prise de conscience de la part de la population. « Nous avons finalement laissé tomber, car pas même une seule personne n’est venue s’annoncer. Ce qui est dommageable, car notre collège primaire est aux abords de la route cantonale. »
Trafic toujours plus dense et complexe
Entre l’évolution sociétale, les changements d’habitudes et les charges professionnelles, certains engagements prioritaires passent aujourd’hui à la trappe. Les familles veulent le meilleur pour leurs enfants, mais sans pour autant céder du temps à la collectivité. « Nous avons rencontré quelques problèmes avec des automobilistes faisant preuve d’agressivité », signale Rosemarie Jeanneret. « Une à deux fois, des patrouilleuses et patrouilleurs ont failli se faire renverser par des automobilistes qui ont forcé le passage. Même s’il s’agit de cas isolés, cela peut suffire pour décourager certains volontaires. »
Rappelons que, depuis bientôt deux ans, seuls les adultes qui ont suivi une formation d’environ deux heures auprès d’une instructrice ou d’un instructeur de la police cantonale peuvent remplir cette mission. À la suite des recommandations du Bureau de prévention des accidents (BPA), les jeunes de moins de 18 ans, passablement impliqués auparavant pour leur commune, ont en effet dû rendre leur gilet de sécurité jaune et leur palette. Porte-parole du BPA, Christoph Luginbühl revient sur cette prise de position datant de 2022, qui s’appuie sur la densité croissante d’un trafic mixte devenu complexe. « Nous tenons compte du fait que les enfants d’âge scolaire peuvent être dépassés par les exigences de cette tâche lourde de responsabilités. Ils doivent encore acquérir un grand nombre de compétences nécessaires pour se déplacer en toute sécurité dans le trafic routier. En raison de leur niveau de développement cognitif et de leur manque d’expérience, ils ne parviennent pas toujours à évaluer correctement les dangers. » Dans certaines localités, ces considérations ont eu un impact sévère sur les effectifs. « On a trouvé six adultes au compte-gouttes, mais on n’a de loin pas comblé toutes les plages horaires », déplore Marc Utermann, vice-président de la Commission scolaire de Valbirse. « Pendant plusieurs années, nous avons fonctionné avec une trentaine de patrouilleurs enfants de 7H et 8H qui s’en sortaient super bien. Cela les responsabilisait, et il n’y a jamais eu, à notre connaissance, d’accidents. Pour les récompenser, on leur offrait, par exemple, une journée à Europa-Park. »
Des exemples qui forcent le respect
À Tramelan, où l’offre a été mise en place en 1999, Sylvie Humair et Veronika Freléchox se sont investies durant 20 ans en faveur de la sécurité des plus jeunes. En parallèle de leurs activités, elles ont même géré pendant dix ans une équipe d’une quinzaine d’adultes et de jeunes. « Sachant qu’il y a quand même chez nous des passages super dangereux, nous trouvions normal d’y consacrer une petite demi-heure au moins une fois par semaine », estime la première. Même s’il est gratifié de 16 francs de l’heure, un tel engagement au long cours force le respect. En effet, bien que l’activité soit défrayée à l’échelle communale, les citoyennes et les citoyens prêts à s’engager restent une denrée rare.
Aux yeux de Marc Utermann, une rétribution pécuniaire n’apporte pas en soi une solution. Pas même pour les adultes, tenus d’arpenter bénévolement les trottoirs de Valbirse. À Sonvilier, malgré une manne appréciable de 8,50 francs pour la patrouille de 20 à 30 minutes, les autorités ont fait chou blanc. « Cela n’a pas contribué à nous amener du monde », se souvient Rosemarie Jeanneret.
Des groupes et associations de parents trouvent parfois des alternatives. Aux Reussilles comme à Orvin, un concept de pédibus a été mis sur pied avec succès. Dans le quartier résidentiel le plus éloigné de l’école, 7 couples se relaient à présent depuis plus d’un an pour accompagner à pied huit enfants de 4 à 6 ans. « Nous voulions éviter d’entreprendre chacun de notre côté le trajet avec notre voiture », justifie la coordinatrice Laetitia Petracca, qui dispose d’un matériel fourni gratuitement par l’Association transports et environnement. « En tant que chauffeurs et parents, nos objectifs sont d’encadrer les enfants et de leur montrer les bonnes pratiques. Ce qui leur donnera toutes les clés pour se débrouiller seuls par la suite, tout en entretenant le côté social du chemin de l’école », argumente-t-elle. « Nous tenons une séance par année pour nous répartir les horaires, en prévoyant chacun un remplaçant attitré en cas d’empêchement. »
Salomé di Nuccio
Photo : Keystone
EDUCATION 4.24