Dans les classes d’accueil, la collaboration avec les parents d’élèves allophones est aussi étroite qu’importante. Exigeant inventivité et souplesse, elle se révèle humainement très enrichissante. Cap sur Bienne.

Vice-directrice de l’entité Madretsch (une des quatre entités scolaires primaires francophones de Bienne), Béatrice Granges y gère en particulier l’offre des classes d’accueil au degré primaire pour élèves allophones. Pour aborder les questions de collaboration avec les parents de ces enfants, elle s’est entourée de Jonathan Cantini, maître de la classe d’accueil des 3 à 5 H, Laure Mosimann, maîtresse de la classe d’accueil des 6 à 8 H, ainsi que de Mary-Claude Mock et Olana Babushko (réfugiée ukrainienne), qui travaillent en co-enseignement avec eux.
Dans une classe d’accueil, la grille horaire compte de 22 à 24 leçons par semaine. Elle est complétée par des modules que les enfants fréquentent à l’école à journée continue de leurs quartiers respectifs et où ils apprennent le français en immersion.
Arrivant du monde entier, réfugiés ou immigrés, les élèves de ces classes sont tous parfaitement allophones. Ils parlent des langues aussi diverses que l’arabe, l’italien, le somali, l’albanais, l’ukrainien, etc. Leurs parents sont généralement dans le même cas. « Quelques jours après l’arrivée de chaque enfant, nous menons un entretien d’entrée avec ses parents. Fort heureusement, l’école peut faire appel pour la traduction à ‹ se comprendre ›, un service d’interprétariat communautaire géré par Caritas et financé par la Ville », explique Béatrice Granges.
La grande majorité de ces parents manifestent un intérêt marqué pour la scolarité de leur enfant. Ce moment d’échange initial leur permet de découvrir en particulier le système scolaire helvétique et le rôle des classes d’accueil. « La plupart émettent le souhait que leur enfant passe très vite en classe régulière. Or au vu de la forte hétérogénéité des classes biennoises, ce changement n’est pas possible tant que l’élève n’a pas acquis une certaine autonomie, qu’il ne maîtrise pas suffisamment le français pour au minimum exprimer ses besoins et comprendre les principales consignes », précise le groupe d’enseignants. En moyenne, cette période d’apprentissage linguistique requiert six à douze mois.
Des outils précieux
Cet entretien d’entrée permet aux enseignantes et enseignants de récolter d’indispensables informations quant au parcours scolaire de l’enfant, qui n’est parfois pas documenté.
« Par la suite, la barrière de la langue peut rendre complexe l’identification des problèmes, qu’il s’agisse de difficultés cognitives, de besoin en logopédie ou autres », ajoute Béatrice Granges.
Pour communiquer avec les parents, les enseignantes et enseignants et la directrice utilisent abondamment les outils numériques. « Fort heureusement, l’offre s’est sensiblement améliorée, on trouve désormais de bons logiciels de traduction », explique-t-elle. Olena apporte, elle, une aide précieuse aux jeunes Ukrainiens, elle qui était enseignante dans son pays. Une aide qu’elle étend d’ailleurs fréquemment à tous les domaines de la vie : logement, santé, législation, etc.
Un lien capital
En classe d’accueil, de gros efforts sont fournis pour favoriser la communication avec les parents. Et pour cause : « Un certain nombre de parents vivent des situations difficiles et peuvent se sentir déracinés, comme leurs enfants. Le lien que nous tissons avec eux est capital, il constitue un fondement pour toute la scolarité », précise Béatrice Granges.
Le rôle que joue l’enseignante ou l’enseignant auprès de ces parents est particulièrement important et divers : « L’école doit être pour eux, comme pour leurs enfants, un lieu de confiance, de soutien. Certains ont une image terrifiante de l’éducation publique. Nous devons les rassurer, leur prouver que leurs enfants y trouveront une aide précieuse dans leur apprentissage, un encadrement attentif et respectueux. »
À l’évidence, nos interlocutrices et interlocuteurs remplissent parfaitement leur mission : « Mes filles de 7 et 9 ans ont commencé à aimer l’école ici », confirme Olena.
Les parents étant issus de cultures très différentes, le besoin en communication est d’autant plus important. L’école doit en effet leur expliquer et parfois leur répéter de nombreuses notions que les autres parents ont intégrées durant leur propre scolarité ou apprennent progressivement, depuis l’entrée de leur enfant en primaire. Par exemple, le respect des horaires n’existe pas dans certains pays, tandis que la traditionnelle signature hebdomadaire du carnet de devoirs est inconnue dans de nombreux autres.
« Certains parents ne sont pas habitués à prendre rendez-vous avec nous ; ils arrivent à l’école en pleine leçon. Il est souvent difficile pour eux de suivre des règles administratives complexes », soulignent nos interlocutrices et interlocuteurs. La connaissance des structures périscolaires manquent également ; il faut parfois expliquer longuement que les élèves apprennent aussi bien la langue en jouant à l’école à journée continue qu’en travaillant sur des livres.
Lorsque l’enfant est jugé prêt à rejoindre une classe régulière, le corps enseignant et la directrice font le point, puis cette dernière rencontre ses pairs, afin de définir dans quelle classe sera intégré l’enfant. Parallèlement, le corps enseignant prend de nouveau contact avec les parents.
Une fois la décision d’intégration définitivement prise, un nouvel entretien de longue durée est organisé, avec une traductrice ou un traducteur si nécessaire, afin que tous les enjeux et les règles de la scolarité obligatoire puissent être expliqués en détail.
Enfin, les parents et leur enfant sont invités à une visite de la classe régulière, où ils vivent leur premier contact avec l’enseignante ou enseignant ; un passage de témoin qui sera d’autant plus fluide et rassurant avec la présence de la référente initiale ou du référent initial.
Lorsque nécessaire, une intégration partielle est mise en place dans un premier temps : l’élève suit alors certaines branches dans sa classe régulière et continue parallèlement à fréquenter la classe d’accueil pour y perfectionner son français.
En classe d’accueil, la personnalisation de l’enseignement est essentielle, aussi bien dans les leçons que dans l’aménagement des accompagnements, des aides, de la suite. Une nécessité, dans un cadre où plus que partout ailleurs, chaque situation est particulière.
Un enrichissement énorme
Enseigner dans une classe d’accueil est un véritable voyage humain et culturel, estiment nos interlocutrices et interlocuteurs, tout en soulignant qu’ils sont souvent la première personne de référence pour les familles concernées et qu’un lien particulier se noue avec les parents, qui font preuve de reconnaissance et de remerciements chaleureux. « La classe d’accueil est un lieu où l’enseignante ou l’enseignant constate quotidiennement les progrès des élèves, ce qui procure une satisfaction énorme ! » s’enthousiasment-ils tous.
Le travail y est certes plus complexe, la demande forte et diverse, mais les quatre enseignantes et enseignants y estiment leur métier sensiblement plus gratifiant. « Nous nous enrichissons humainement, culturellement, socialement », s’accordent-ils à dire.
Incontestablement, le personnel de ces classes cultive également son ouverture d’esprit. « Nous devons accepter et respecter les parents tels qu’ils sont, avec leur culture, leur religion, leur passé », expliquent-ils. Pour y parvenir, direction, enseignantes et enseignants ne rechignent jamais à s’informer, à découvrir, à apprendre.
Vielfältige Elternkommunikation an Bieler Schulen
Zahlreiche Flüchtlings- und Emigrantenkinder besuchen die Schulen in Biel. Die Kinder wie ihre Eltern sind oftmals der französischen Sprache kaum mächtig, das Interesse an einem Schulbesuch ist aber gross. Die Eltern wünschen sich denn auch, dass ihr Nachwuchs rasch in eine reguläre Klasse aufgenommen wird. Angesichts der starken Heterogenität der Bieler Klassen ist dieser Wechsel jedoch erst möglich, wenn die Heranwachsenden eine gewisse Sprachautonomie erlangt haben, um dem Schulalltag zu folgen, was im Durchschnitt sechs bis zwölf Monate dauert. Um in dieser Zeit mit den Eltern zu kommunizieren, nutzen Lehrpersonen und Direktionen häufig digitale Hilfsmittel wie Übersetzungssoftware. Auch stellen sich Personen aus einem Sprachkreis zur Verfügung, um kommunikative Hilfestellungen bei schulischen und sozialen Fragen anzubieten. Neben den vielsprachigen Dokumentationen haben die fremdsprachigen Eltern auch die Gelegenheit, zusammen mit ihren Kindern für einen ersten Kontakt die Regelklassen zu besuchen. Dies geschieht im Beisein einer Bezugsperson. Die Zusammenarbeit mit den fremdsprachigen Eltern ist umfangreich, sie erfordert Einfallsreichtum und Flexibilität, ist aber auch sehr bereichernd.
Dominique Eggler
Illustration: Max Spring
EDUCATION 1.24